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Un juste équilibre: entre maternage et autonomie




Oui je t’aime, je t’embrasse, je te materne. Non je n’aime pas tes pleurs, je n’aime pas te voir frustré, énervé, je n’aime pas quand tu ne réussis pas. Mais je suis ta maman, et je n’ai pas envie que tu deviennes un « assisté ». Je n’ai pas envie que tu apprennes qu’une maman fait tout à ta place et fait tout pour te retenir. J’ai envie que tu vives ta vie, que tu voles de tes propres ailes, que tu sois indépendant, que tu sois autonome.  On peut être aimante, maternante, et permettre aussi à son enfant de faire seul. C’est ici que se joue l’éducation. Toute la difficulté du parent. Faire les bons choix, t’apprendre à grandir, sans te forcer non plus. Te laisser rester un enfant, mais devenir de plus en plus autonome et ne pas contraindre tes libertés.

Ne pas faire à la place est un cadeau immense qu’on fait à son enfant. Parce qu’un jour nous ne serons plus là, je ne serais plus là. J’espère que tu voleras bien avant que je parte. Je veux que tu accomplisses des choses. Non. Que tu aies envie d’accomplir des choses, de découvrir, de te surpasser. Pour toi. Pas pour moi. Pas pour les autres. Je veux que tu me remercies de t’avoir poussé à vivre ta vie, et pas que tu me remercies d’avoir toujours tout fait pour toi. Je fais tout pour toi, mais tout pour que tu puisses un jour faire seul.


Je vois beaucoup de parents qui entravent l’autonomie de leurs enfants, de leurs ados. Beaucoup de parents qui n’ont pas la patience de laisser faire leurs enfants, qui décident à leur place. Beaucoup de parents qui ont peur que leur enfant ne soit pas capable de faire. Beaucoup de parents qui ont peur de ne plus être aimés parce qu’ils ne donnent pas « tout » à leur enfant, parce qu’ils ne sont pas assez « gentil ». Tout cela part bien sûr d'une bonne intention, mais est-ce notre rôle d'être "gentil"? Est-ce utile à l'enfant?


Je crois qu'on peut être bienveillant tout en rendant son enfant le plus autonome possible. Petit à petit, il s’agit de bien l’observer, d’identifier ce qu’il peut faire seul sans pour autant le mettre en échec. Les enfants aiment relever les défis, ils aiment essayer, faire seul, échouer, ré-essayer, réussir. Il sont, contrairement aux adultes, très persévérants. Il peuvent refaire des centaines de fois la même chose, parce qu’ils sont dans le moment présent, parce qu’ils sont dans le “faire”, parce que, quand ils sont intéressés, le temps s’arrête pour eux. Alors que nous , adultes, agissons toujours avec un but à plus ou moins long terme (aller quelque part, finir le puzzle) , les enfants ne vivent que dans l'instant présent, c’est ce qui fait leur force. L’enfant fait simplement pour le plaisir de l’acte en lui-même. Il n’a pas conscience du temps. Pas conscience de l’avant et surtout pas de l’après. C’est ce qui lui permet d’apprendre et de se perfectionner, d’affiner ses gestes, de comprendre petit à petit.

Très jeune déjà un enfant peut manger seul (DME: Diversification Menée par l’Enfant), peut mettre la table, peut aider à ranger, il peut faire des choix. Il peut participer à énormément de tâches quotidiennes. Que retient-il si ce sont ses parents qui font tout : changer les draps, faire tourner les machines, nettoyer, faire à manger, l’habiller, lui mettre ses chaussures, lui préparer ses affaire, lui couper ses aliments, lui préparer ses tartines?En tous cas, il n’apprend pas à le faire. Puis du jour au lendemain les parents lui demandent de faire tout seul, sont exaspérés qu’il ne sache pas faire, qu’il compte toujours sur ses parents. Mais lui a-t-on seulement montré au moment où il aurait fallu? Sait-il comment faire?  Comment un enfant peut-il avoir envie d’explorer, l’occasion d’explorer, quand le parent anticipe tout? Comment peut-il devenir autonome quand il bénéficie d’un “confort” maximum, quand il n’a jamais rien à faire lui-même ?

Tout cela, ça se joue dès la petite enfance, ce sont des habitudes à mettre en place tôt. Il faut trouver cet équilibre, aimer sans s’accrocher, encourager sans féliciter, pousser tout en restant attachés…

Bien sûr il ne s’agit pas d’apprendre à tout prix à l’enfant à être autonome, il ne s’agit pas de vouloir aller trop vite et de forcer les choses. Il y a des choses qu’un enfant ne peut acquérir avant un certain âge. La connaissance et l’observation de son enfant sont les clés. Proposer au moment opportun, faire petit à petit, de manière adaptée.  

Nous avons tous les jours l’occasion de rendre nos enfants autonomes, sur des petits actes du quotidien, des prises de décision, des libres-choix. Encore une fois, il ne s’agit pas de proposer trop de choix, cela peut aussi être difficile et angoissant pour l’enfant qui n’a pas non plus à porter trop de responsabilités. Mais des petits choix, limités, petit à petit, développent énormément  la capacité à prendre des décisions, et les zones cérébrales liées à cette capacité.


Ce n’est pas simple, car quand on fait soi-même, c’est généralement mieux fait, et plus vite fait… Et encore, car on risque de se confronter à la crise de l’enfant qui veut faire seul, qui finalement sera plus longue à calmer que si on avait laissé l’enfant faire dès le départ. On est toujours pressé, on a des rendez-vous, on doit aller travailler, on a mille activités à faire le week-end. Mais les enfants eux n’ont pas cette notion du temps. Alors quand on les presse dans la rue parce qu’il faut aller à un endroit, ils ne peuvent pas le comprendre avant un certain âge. Eux, ce qu’ils apprécient, c’est le trajet en lui-même. Marcher, s’arrêter, regarder, revenir en arrière, commenter. C’est vrai pour toutes les situations de la vie quotidienne. Ils sont à 100% dans ce qu’ils sont en train de faire. Lorsque nous faisons à la place de l’enfant pour aller plus vite et atteindre notre but d’adulte, nous entravons ses apprentissages, ses explorations, et son autonomie.


Alors, comment peut-on faire pour accompagner les enfants vers le chemin de l’autonomie, tout en les laissant aller à leur rythme?


A la maison, nous essayons autant que possible de laisser Augustin faire seul, et de ne pas entraver ce qu’il est en train de faire ou ce qu’il a envie de faire. Nous avons décidé notamment de nous tourner vers la Motricité Libre, la Diversification Menée par l’Enfant (DME) et la pensée Montessori.


Sommeil


Si nous avons décidé d'accompagner nos enfants vers le sommeil tant qu'ils en avaient besoin, on adapte cependant l’environnement afin que notre enfant puisse faire un maximum seul : nous avons par exemple choisi un matelas au sol plutôt qu’un lit à barreaux depuis les 12 mois d’Augustin : en effet cela lui permet de se lever et de se coucher quand il en ressent le besoin et l’envie, et pas seulement quand l’adulte l’a décidé de manière arbitraire. Imaginez-vous un instant être enfermé dans votre lit… Nous avons d’abord utilisé le lit à barreaux, mais lorsque nos enfant se déplaçaient vraiment seuls, nous avons décidé de ne pas entraver la liberté de mouvements. Notre deuxième enfant n'a eu qu'un berceau cododo quelques mois puis un matelas au sol également.



Motricité


Comme je le disais, nous avons choisi  de pratiquer la motricité libre : pas de parc, pas de yoopala (interdits dans bien des pays, car très très mauvais pour l’enfant, qui se met à marcher alors que son corps n’est pas prêt, cela peut-même développer de vrais soucis au niveau de la marche, des genoux, plus tard), et nous avons sécurisé l’appartement lorsqu' Augustin était tout petit afin qu’il puisse toucher tout ce qu’il voulait, et se déplacer librement. Nous ne l’avons jamais assis, ni calé avec des coussins (c’est très mauvais de mettre l’enfant dans une position dont il ne peut pas se défaire seul, s’il ne peut pas le faire seul c’est simplement qu’il n’est pas encore prêt). Pour les coussins, le risque est que l’enfant n’apprenne pas que, s’il tombe, ça fait mal, ainsi il n’apprendra pas à “tomber” correctement, c’est pourtant hyper important. Maria Montessori (qui était médecin) avait remarqué à son époque que les enfants qui se blessaient gravement en chutant étaient souvent des enfants qui avaient été surprotégés et qui ne faisaient donc pas attention eux-mêmes à leur environnement, ils n’étaient pas prudents, et ne savaient pas tomber. Si on laisse l’enfant le plus libre possible, il sera beaucoup plus attentif à son environnement, à ses possibilités motrices, et appréhendera beaucoup mieux le monde qui l’entoure.


Nous avons également limité autant que possible l’utilisation du transat pour nos enfants, posés très tôt au sol. Nous n’avons jamais essayé de les faire marcher en tenant les bras en l’air (c’est aussi très très néfaste de faire tenir l’enfant sur ses jambes trop tôt, et les bras tirés en l’air ce n'est vraiment pas naturel ni physiologique.

A partir des deux mois de nos enfants, nous avons pratiqué le bain libre (dans la grande baignoire sur le dos avec peu d’eau au début, ce qui permet au bébé de prendre conscience des limites de l’eau, de se tourner petit à petit dans l’eau, pour se mettre seul sur le ventre puis assis), et nous n’avons jamais utilisé le transat de bain (cela limite énormément les mouvements de l’enfant). Nous les laissons, courir, sauter, grimper, monter et descendre les escaliers en autonomie, car c’est ce dont ils ont besoin pour développer leur motricité et leur curiosité. Nous ne forçons pas non plus à donner la main dans la rue (mais nous le responsabilisons sur la dangerosité des voitures, de la route).  Nous essayons d’éviter autant que possible la poussette dès que l'enfant marche, surtout sur les trajets courts. Ainsi Augustin a beaucoup marché, il se déplaçait aussi avec sa draisienne et sa trottinette dès 20 mois. Nous avons refusé d’acheter des “porteurs” évolutifs en trottinette qu’on voit un peu partout dans la rue sur lesquels les enfants s’assoient de manière totalement passive pendant que les parents poussent (ça me fait penser au film Wall-E, moins on bouge, mieux on se porte, mais les enfants ont besoin de bouger et de développer leur force et leur motricité). Alors oui, bien sûr, pour certains longs trajets, quand on part toute la journée et que le bébé a besoin de dormir, il nous arrivait de prendre la poussette, mais dès 2 ans et demie et même un peu avant Augustin ne s'en servait plus.

Adaptation de l'environnement


Nous avons également construit une tour d’observation, ainsi Augustin a pu nous observer lorsque nous cuisinions, être à la même hauteur que nous, participer, et se servir en fruits.  Il déplaçait sa tour dans la salle de bain afin de se laver les mains et les dents seul.

La vaisselle d’Augustin (et petit à petit celle de Camille) est à disposition dans sa petite cuisine, ainsi il peut aider à mettre la table et à aller chercher ses couverts. Il met ses vêtements au sale tout seul. Depuis ses 18/20 mois environ, nous lui proposons aussi d’aider à étendre les machines, mettre le linge dans la machine, remplir et vider le lave-vaisselle. Il participe aussi en cuisine grâce à sa tour, il fait du jus d’oranges pressées avec nous, et nous l'avons rapidement laissé monter et descendre seul de sa chaise haute, ou alors nous mangions sur la table basse pour qu’il puisse s’installer seul sur la chaise à sa hauteur.


Prises de décisions, choix et coopération


Nous proposons aussi à Augustin des choix (limités) afin qu’il puisse être actif et prendre des décisions. Par exemple, nous le laissons choisir entre deux tenues, ou alors il peut choisir son dessert, quels jouets nous allons mettre dans le bain, si nous prenons la trottinette ou le vélo etc.  En plus, cela permet d’éviter un certain nombre de crises et d’amener l’enfant à faire ce que nous souhaitons au fond (s’habiller, prendre son bain, manger).

Lorsqu’ Augustin se trouve devant une difficulté (au parc, dans la rue, à la maison) nous le laissons se débrouiller autant que possible, et tant qu’il ne nous sollicite pas (bien sûr nous répondons à ses sollicitations mais nous n’intervenons pas avant). Même s’il y a un souci avec un autre enfant (on lui pique un jouet, lui-même prend un jouet à un autre enfant etc), nous essayons de le laisser gérer et de résister à la pression sociale et culturelle (car ce n'est pas identique dans tous les pays) qui nous incite à être beaucoup trop interventionnistes (“allez enfin prête ton jouet” “non ce n’est pas ton jouet, rend-le”). La plupart du temps, les enfants arrivent à trouver des solutions. Et tant qu’il n’y a pas de violence pas de raisons d’intervenir.

Nous évitons aussi les ordres et les “tu”, qui n’aident pas l’enfant à prendre des décisions, mais nous utilisons des techniques, piochées notamment dans les ouvrages de Faber et Mazlish (décrire, commenter, parler de nos sentiments, typiquement, si c’est le bazar, plutôt que de dire à l’enfant “va ranger”, on peut lui dire “il y a des kaplas partout (description), ça m’ennuie de voir tout ce bazar dans ma maison (description de mes sentiments)). Souvent, les enfants se braquent devant les ordres, et il y de quoi, imaginez si votre compagne/compagnon vous ordonnait constamment de faire à manger, ranger, nettoyer, franchement ça ne donne pas envie de coopérer.


Et bien sûr, nous ne forçons pas à dormir, manger, dire bonjour, au revoir , merci, ou faire des bisous ! Car l’enfant apprend essentiellement si ce n’est uniquement par IMITATION,  et surtout nous souhaitons qu’il développe un rapport sain à tout cela. On ne dit pas bonjour parce qu’on n’y est forcé, mais par politesse, et le concept de politesse est long à acquérir, il doit se faire naturellement, parce que l’enfant voit faire les autres. Les bisous forcés développent un rapport très malsain à son propre corps (cela sous entend que l’enfant n’est pas libre de disposer de son corps et de refuser qu’on le touche). Et enfin, comment peut-on forcer quelqu’un à manger ou dormir lorsqu’il n’a pas faim ni sommeil? La DME et le matelas au sol sont justement des moyens de laisser l’enfant apprendre à gérer sa faim/satiété et son besoin de se reposer (bon soyons honnête, nos enfants ne vont jamais se coucher seuls spontanément, mais lorsqu’on les accompagne, nous les laissons sortir du lit / de la chambre plusieurs fois si besoin, parfois ils se relèvent beaucoup, probabelemnt car nous avons proposé trop tôt d'aller dormir).


Bien sûr, cette importance qu’on accorde à l’autonomie ne se fait pas au détriment du maternage proximal que nous avons pratiqué et que nous pratiquons encore lorsque c’est nécessaire (portage, allaitement “long”, cododo, réponse au besoin de proximité de l’enfant). Car l’enfant doit absolument se sentir très sécurisé à l’intérieur pour pouvoir ensuite mieux s’ouvrir au monde extérieur. Le maternage proximal (très important durant la petite enfance et surtout les six premiers mois de vie) permet en fait plus tard une meilleure autonomie et une plus grande confiance en soi.


Bref, nous essayons de développer la liberté d’esprit, la liberté motrice autant que possible, pour amener en douceur vers l’autonomie, car nous pensons que c’est notre rôle principal de parent. Parce qu’on veut que nos enfants soient armés dans la vie, mais aussi et surtout parce qu’on veut qu’ils soient heureux, épanouis et surtout indépendants.

Nous souhaitons qu'ils puissent faire des choix plus tard, des choix importants, des choix éclairés. Et si nous partions du principe que nos enfants sont les citoyens de demain , et que la capacité à prendre des décisions seuls et de manière affirmée  et intelligente soit une réelle compétence pour un monde meilleur?


crédit photo: Scott Webb via Unsplash

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